Du gros plan au flash-forward - Leçon 6 : Troubles

Le cinéma, depuis ses origines, est un art du dérèglement car il a toujours entretenu une relation de contrariété à l’égard de ses propres codes formels et narratifs. Cette tendance s’exprime avec force et ingéniosité dans les fictions cinématographiques contemporaines qui bousculent la linéarité et l’intelligibilité du récit à travers des effets de boucle ou des marques d’anticipation. La catégorie des « histoires complexes » proposée par la Poétique d’Aristote est ainsi remise au goût du jour, voire radicalisée. Dans sa définition canonique, le flash-forward implique une manœuvre du montage narratif à même de raconter ou d’évoquer d’avance un événement ultérieur. Mais cette figure de style se conçoit de manière plus ambiguë à partir du moment où elle permet d’échafauder des mondes dans lesquels la notion même de déroulement temporel est mise à mal par l’instauration de paradoxes logiques. La construction diégétique s’en trouve éminemment troublée : la perception déformée de la réalité de référence favorise la prise en considération de distorsions d’ordre filmique. On pourra en faire l’expérience en étudiant quelques « films puzzles » et « films de jeu d’esprit » des années 1990 et 2000.