Du gros plan au flash-forward - Leçon 4 : Ubiquité

Dès les débuts du cinématographe, les frères Lumière envoient des opérateurs filmer aux quatre coins du monde. La séance de cinéma, avec son programme de vues cinématographiques, ménage donc aussitôt les joies d’un voyage immobile qui en quelques minutes vous transporte, par exemple, de Madrid à Milan en passant par… Melbourne. La cause est entendue : la séance de cinéma confère au spectateur un sentiment d’ubiquité. Or l’invention du montage cinématographique (l’agencement successif, ou simultané, de prises de vues distinctes) transfère à l’intérieur d’un unique film ce pouvoir d’assembler des fragments de monde, et donc des fragments de vie, de situations, d’actions, pour les lier dramatiquement, les comparer, les contraster. Ubiquité, donc, mais pour quelle vision du monde ? Le monde en sortira-t-il synthétisé ou disloqué ? Miraculeusement expliqué ou irrémédiablement complexifié ? Enfin, que se passe-t-il quand le pouvoir de multiplication des points de vue, au lieu d’aller dans le sens d’une dispersion géographique, se concentre en un lieu unique pour en dévoiler la pluralité interne ?